Avec pertes et fracas

Sunday, 26 March 2023
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Écrit par
Grégory Soutadé

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Le tournoi des 6 nations 2023 s'achève. Deux équipes l'ont survolé : l'Irlande et la France qui ont tenu respectivement leur rang de première et seconde nation mondiale (classement IRB). Le niveau est clairement celui que l'on va retrouver dans quelques mois durant la coupe du monde avec les surpuissantes nations du Sud. Les autres participants ? L'Italie, bien qu'en progression (notamment grâce à son intégration dans la ligue Celtes), n'aura fait qu'un seul bon match (comme à son habitude). L’Écosse est montée en puissance, mais reste fébrile. Le rugby Anglais et Gallois se trouve dans la tourmente, tant au niveau national qu'international, notamment avec la défaite historique à Twickenham. Mais ne nous voilons pas la face, La France a beaucoup souffert, avec pas mal de joueurs blessés et un démarrage poussif...

En effet, depuis l'ère Fabien Galthié, le schéma de jeu est clair : une défense de fer, une solidarité exemplaire et des contres attaques fulgurantes. Si, avec un peu de chance, cela a permis de renverser toutes les nations 14 matchs d'affilés, ce n'est plus suffisant. En effet, cette mise en lumière a poussé les autres équipes à bien décortiquer ses forces et faiblesses. Ce qui manque cruellement, et qu'il faudra corriger rapidement, est un plan d'attaque performant, qui ne soit pas basé sur la désorganisation et les exploits individuels. Le fait de balayer latéralement le terrain et de percuter sans cesse l'adversaire, même si exécuté rapidement, ne suffit plus face à des défenses aussi puissantes que celle de l'Irlande par exemple. C'est d'ailleurs un reproche que l'on peut adresser à beaucoup d'équipes du top 10 mondial : il manque clairement de l'intelligence de jeu. Le nombre de lancement préparé, de combinaison au milieu de l'attaque ou même d'une simple croisée se comptent sur les doigts d'une main. On ne pourra que regretter le manque de French Flair des joueurs, qui nous rappelle que le rugby n'est pas qu'un simple match de boxe à 44.

Pourtant, ce qui m'a le plus choqué, dès l'ouverture du tournoi, est le nom des joueurs floqué au dos des maillots. Cela reste très symbolique, mais cette pratique tend à personnifier les acteurs du match au détriment de l'esprit de groupe. Si l'on encense souvent les finisseurs, il ne faut pas oublier qu'il s'agit avant tout d'un travail collectif, tant en attaque qu'en défense. Celui d'un groupe où chacun a des caractéristiques différentes, qui lui permet d'intervenir dans les diverses phases de jeu durant lesquelles il sera plus ou moins à son avantage. Ce sont d'ailleurs surtout les avants qui ferraillent tout au long de la partie, sans forcément être mis en lumière.

D'une manière générale, on peut se réjouir de l'évolution de ce sport depuis la professionnalisation des équipes (95-2000). Les règles tendent à préserver la santé de joueurs et à favoriser le jeu rapide. Il y aura bien sûr toujours des râleurs pour dire que c'était mieux avant. Ceux-là ne sont pas morts à 50 ans d'une maladie neuro dégénératives... Car c'est la face cachée d'un sport qui expose les joueurs à des situations potentiellement dangereuses. Les instances essaient de cacher cette face sombre, notamment en étouffant la parution du livre Ce rugby qui tue (de Jean Chazal, 2019). Mais le terrible accident de Matthias, 17 ans, désormais tétraplégique, n'a pu être masqué par une fédération elle-même dans la tourmente. Si la solidarité, l'humilité et l'abnégation sont souvent mis en avant, c'est avant tout pour répondre à l'agressivité et l'engagement dont il faut faire preuve. Au niveau scolaire, les éducateurs essaient d'éviter ces situations dangereuses en favorisant le mouvement et la prise d'intervalle plutôt que l'affrontement frontal. Toujours est-il que si l'évolution est globalement positive, l'engouement populaire qu'il soulève depuis une dizaine d'années a fait monter les enchères financières à tous les niveaux (du club jusqu'à l'équipe nationale). Ce besoin d'être ultra compétitif requiert des investissements de plus en plus importants, au détriment des valeurs de base qui ont longtemps fait de ce sport un exemple. Le maillot national est désormais entaché d'un sponsor. Les fonds d'investissement prennent des parts dans les équipes nationales. Certains stades sont eux-mêmes sponsorisés. Des joueurs populaires font de la publicité à la télé. Les salaires explosent, autant que le montant des paris sportifs, des droits TV et des cachets de publicité. C'est le revers de la médaille, qui nous rappelle que l'on n'est jamais loin de tomber dans les dérives du ballon rond (celui que l'on tape au pied)...

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