
C'était il y a quelques temps, l'envie de ré écouter certains "vieux" titres pour faire tourner un peu ma playlist. Direction le dossier Muska-D, un super groupe de ska (local) au destin éphémère. Mais pas que, puisque les deux derniers titres appartiennent à la formation Outrage. Ce sont deux extraits (album Le souffle des fous de 2002) glanés il y a plus de 10 ans sur la toile (je me demande d'ailleurs comment ils ont pu atterrir là). Bref, curiosité oblige, je me lance dans une petite recherche pour avoir des nouvelles (Outrage étant quasiment inconnu pour moi), il faut dire qu'Internet a une très bonne mémoire. Quelle ne fut pas ma surprise d'apprendre qu'ils sont encore actifs ! Ce n'est donc pas un, mais bel et bien sept albums à se mettre dans les ouïes !
Outrage quésako ? C'est avant tout une bande de sept potes originaires du Mans. Le groupe s'est un peu étoffé au cours des années, tout en conservant un noyau dur, mais leur création remonte à 1996 ! Ils vont donc fêter leur 25 ans avec un album qui devrait paraître prochainement. Même s'ils ont joué en première partie de poids lourds comme Ska-P Shakaponk ou encore Les ogres de barback, tournés régulièrement (la scène, c'est la vie), la bande reste assez confidentielle (c'est peut-être la clé de leur longévité). Ce statut d'amateurs est d'ailleurs un choix de leur part afin que la musique ne soit qu'un plaisir. Le style ? un mélange de ska (cuivrailles), punk, rock selon l'envie, le tout en Français. Les textes sont très marqués politiquement, ce qui peut ne pas plaire à tout le monde. Un de leur (petit) défaut est de perdre en musicalité quand ils abordent ces sujets. Toute leur œuvre est disponible sur la plateforme bandccamp.
2000 - 2013
Chaque album apporte un univers musical propre. Le premier (mini) album Persévérer (2000) avec seulement 5 titres est très ska. Sans révolutionner le genre, il est plutôt agréable à l'oreille. Vient ensuite Le souffle des fous (2002) un peu moins pêchu, un peu plus politique. Trois ans plus tard Irrécupérable (2005) nous plonge dans un univers un peu plus fantasque, une belle réussite en soit. Réglés comme des métronomes, Outrage sort le suivant en 2008, Court circuit va plus tirer sur un rock, moins cuivré, plus dur à l'oreille. Puis un OANI parait avec Rhyzom (2011). Les cuivres ont pratiquement disparus pour laisser la place au clavier, il s'agit d'un album un peu plus expérimental. Avec un an d'avance arrive Eldorado Pagaille (2013). La première partie renoue avec un ska festif avant de sombrer dans une dérive politique, plus sombre.
Villa Rotenburg (2017)

Parmi les sept (et bientôt huit) albums existants, j'ai vraiment eu le coup de cœur pour Villa Rotenburg. Comme narré ça et là, les racines de l’œuvre se trouvent en Allemagne, à Rotenburg (au nord, près de Hambourg). Les comparses sont perdus dans une ancienne banlieue industrielle, au milieu de maisons identiques, alors qu'ils cherchaient la salle dans laquelle ils étaient sensé se produire le soir. En réalité, la fameuse "salle" était un squat dans le sous-sol d'une de ces villas. Squat auto géré par une bande multiculturelle (principalement venue d'Europe). Le concert, l'avant, l'après ont tellement marqué les membres qu'ils ont décidé de reprendre des chansons de toute l'Europe en les arrangeant à leur sauce ska/punk. Au final ? Un petit bijou du genre. Le septuor enchaîne les titres à la fois festifs et dynamiques avec des parties dans plus de neuf langues différentes. Un bel hymne à l'idéal Européen (un brin extrême gauche quand même). À écouter à fond quand on un petit coup de mou !
Pavillon Noir (2021)

Comme beaucoup d'acteurs du spectacle vivant, les membres d'Outrage ont été impactés par la crise sanitaire : plus de concerts. Si la pandémie pèse sur le moral, elle pèse encore plus sur les finances. Point de concerts pour un groupe de musique veut également dire point de recettes tirées des commissions et du merchandising de la vente de produits dérivés. Seulement voilà, 2021 c'est l'anniversaire d'Outrage, 25 ans ! Impensable de ne pas le fêter sans sortir un album (4 ans se sont écoulés depuis Villa Rotenburg). La troupe s'est donc tournée vers ses fans avec une campagne de financement participatif sur Ulule durant le mois de mai. L'objectif initial était de 4 500€ pour le mixage, le mastering, le pressage, la SACEM, la pochette et un clip. C'était jouable en 6 semaines, mais pas forcément gagné d'avance. 6 semaines plus tard (et beaucoup de pub ça et là), 11 500€ ont été récoltés grâce à 220 contributeurs ! (255% de l'objectif), une belle réussite donc. Les premiers paquets partiront en octobre (avec des cadeaux bonus : carte postale, pins, sous-verre) et en prime la fameuse "bamboche" (concert, surprises, open bar...) qui est prévue pour décembre à la maison (le Mans) !
Les 25 ans du groupe marquent également un tournant puisque Charles, chanteur et principal contributeur des textes, laisse sa place à Fouancis (le bassiste). Retour vers des sonorités plus Ska avec une ambiance non moins revendicative. Étrangement, on sent l'influence des quarantenaires (autrement appelée maturité ?) dans les thématiques abordées (l'effort physique, la hiérarchie, les potes, la jeunesse...). Moins agressif également. On regrettera d'ailleurs un son où la basse est légèrement trop présente et qui écrase un peu les aigus des cuivres et de la guitare (on ne leur en veux pas, avec l'âge ils entendent moins bien :)).
Pas facile de passer après un dernier opus d'excellente facture. Pour autant le groupe sait se renouveler et sortir, malgré la pression de l'attente, un album qui, tout en étant différent, est tout aussi excellent. Il reprend dans sa construction les multiples éléments qui ont jalonnés la vie du groupe et n'est donc pas linéaire. En définitive, de quoi satisfaire tout le monde.
On commence l’écoute avec une petite introduction assez punk, qui laisse néanmoins une belle place aux cuivres en seconde partie avant d'enchaîner sur un énergique Allergique à l'effort (second clip). L'aspect politique s'invite ensuite. Vient alors le morceaux éponyme Pavillon noir qui nous plonge directement dans l'ambiance corsaire avec une place de choix pour la cuivraille. Une belle réussite autour d'une mélodie accrocheuse. Tout le Monde Chez Toi ne relâche pas la pression, on pourrait y lire entre les lignes la question de l'immigration. Puis Tout le Monde Chez Soi nous rappelle au bon souvenir du confinement, c'est le premier morceau rendu public par le groupe pour tromper son notre ennui. Après cette petite pause, une ambiance plus rock/electro s'installe avant de rebasculer sur du ska. L'autre gros carton de l'album est sans conteste la reprise de Tu Vuò Fà L'Americano, un classique Napolitain gonflé aux amphétamines. Cerise sur le gâteau avec un clip lâché dans la fosse afin de patienter jusqu'à la sortie. L'introduction très retro de Pas Ma Faute cache bien son jeu. Le groupe se paye le luxe d'une choral d'enfants sur l'avant dernier titre. Surprise finale, nous avons droit non pas à un énième titre, mais une outro avec chorale. Pour conclure, Pavillon Noir est une réussite à tous les étages, et même 25 ans plus tard, l'Outrage ne fait que commencer !
Règne Animal (2025)

Le groupe Manceau de punk cuivraille garde son rythme de sortie de croisière avec ce nouvel album Règne Animal. Ceux qui ont participé à la campagne de financement participatif ont même eu la chance de le recevoir en avant première ! Selon le pack choisi, il y avait également des goodies. Personnellement, j'ai beaucoup aimé le magnet, et je dois dire que le t-shirt est vraiment de bonne qualité, ce qui est plutôt rare dans le merchandising.
Que vaut cette nouvelle mouture ? Eh bien, je dirais qu'elle est dans la lignée du dernier album Pavillon Noir (2021) avec un style qui s'affirme depuis le départ de Charles. Pour ma part, j'ai une préférence pour Pavillon Noir.
En ce qui concerne les points noirs, le principal tourne autour du mixage. Comme sur le précédent album, je trouve que cette façon de mixer en mettant tous les instruments au même niveau (notamment les basses qui prennent beaucoup de place) écrase la musique et enlève beaucoup de ses aspérités. Les chœurs s'en trouvent ainsi très plats, d'autant plus qu'ils en abusent un peu trop à mon goût (il y a donc moins de refrains, qui sont les piliers des morceaux). Pour pallier à ces problèmes, il faudrait entendre la version live afin de ressentir vraiment toute l'énergie déployée par le groupe. Petit bémol également sur le "fond". Beaucoup de titres ont pour thème la fête et la picole (c'est un disque qui tourne en rond). Une déprime passagère ? Ou alors est-ce qu'ils ont été composés pendant la période COVID et maturé jusqu'à aujourd'hui ? Seuls les punks nous le diront !
Si on fait abstraction du négatif et que l'on se concentre sur chaque morceau, je dois dire qu'il s'agit d'un album plutôt réussi d'un point de vue composition. Outrage nous fait une proposition assez éclectique (ce qui peut en déranger certains), dans un registre plus orienté punk que SKA. Par rapport à Pavillon Noir, le ressenti est (de mon point de vue) un peu plus fouillis.
Une fois la galette insérée dans le lecteur, ça commence fort dès l'Ouverture, parfait pour démarrer un concert ! Sans reprendre leur souffle, ils enchaînent avec un énergique Hystérie Générale. Puis vient le titre phare de l'album Carnage en stéréo, dans lequel Outrage signe une belle collaboration avec leurs potos : Niko Jones, Irvin, et Guiz. On reconnaîtra aisément le style de Tagada Jones boosté par les cuivres. Personnellement, je ne suis pas fan de Mouton Charbon (version moins aboutie de L'École De Nos Gosses), un peu simple, à l'exception des 30 dernières secondes qui en jettent pas mal. Idem pour Tony, même si les parties cuivres sont vraiment soignées. Dans un registre plus punk, Nos Pires Cauchemars vaut le coup, avec son introduction très originale. Les 3 Keupons semble s'être un peu perdu au milieu des autres morceaux. Pour le coup il est très SKA. L'autre coup de cœur est Égarés, qui mériterait d'être nommé comme titre le plus original de l'année (et pourquoi pas pour l'Eurovision ??). Météore est le morceau pivot de fin de disque, le dernier à déployer une grosse énergie. On passera sur Menteur pour arriver sur Les Amants Carnassiers dont le style me fait furieusement penser à un ancien album (Irrécupérable), tout du moins dans l'esprit, avec un solo très intéressant. L'album se clos tout en douceur avec Ici Et Maintenant, même s'il est encore question de faire la fête !
Règne Animal est donc un bel opus pour les presque 30 ans d'Outrage ! Avec autant de matériel, nul doute que ça va balancer pas mal dans les festivals.