On veut des consignes !
Un instant !!!
Qu'est qui ya ?
C'est un nouveau patient, il faut l'enregistrer
On l'enregistrera plus tard, il a un couteau dans le dos
C'est la consigne
C'est où qu'on signe ?
C'est là qu'on signe
François Pérusse - Les urgences - 7
Ariane vend des confitures qu'elle fabrique artisanalement dans son petit laboratoire de Mouans-Sartoux. Un soin tout particulier est apporté, tant dans la fabrication, que dans la sélection des matières premières. C'est le parfait exemple de l'artisan de proximité, chose qui devient rare de nos jours. Seulement voilà, quand on ramène gentiment le pot de confiture vide (et propre) que l'on a acheté la semaine passée, Ariane nous indique qu'elle ne les reprend pas...
La réponse a de quoi surprendre, surtout que Mouans-Sartoux est réputée pour être une ville tournée vers l'écologie. Deux hypothèses s'offrent ici :
- Soit Ariane achète des pots déjà stérilisés (et donc ne le fait pas elle-même)
- Soit Ariane ne veut pas s'encombrer de cette charge de travail supplémentaire
Dans tous les cas, le pot finira dans un container de recyclage du verre. Ce type de recyclage a été le premier à voir le jour en France, suite à l'abandon progressive des consignes dans les années 60. Pour autant, même si elle est recyclée, une bouteille en verre ne pourra fournir que 80% à 90% de la matière première nécessaire à la fabrication d'une autre bouteille, le tout en étant fondu à plus de 1500°C. Il s'agit donc d'un processus complexe qui nécessite un matériel de pointe et beaucoup d'énergie. Pour faire bien, il faudrait aussi séparer le verre blanc et le verre coloré (à partir duquel on ne peut plus produire de verre blanc), ce qui n'est pas le cas en France. Le verre utilisé pour la vaisselle domestique n'est quant-à-lui pas recyclable car il utilise des composants de type vitrocéramique. On notera tout de même que le système de consigne des bouteilles persiste dans le cas des débits de boisson.
Cet exemple n'est que l'arbre qui cache la forêt. L'écologie est un domaine qui commence à toucher de plus en plus de consommateurspersonnes, faisant naître progressivement une prise de conscience collective, même si relativement réduite par rapport à l'ensemble de population mondiale dont la première des priorités est d'assurer sa propre survie (et pas forcément celle de ses descendants). On se rend compte qu'il est nécessaireimpératif de réduire la production de déchets (donc d'utilisation d'énergie et de matières premières). Les épiceries et petits commerces "bio" sont, dans ce secteur, souvent en avance. La dernière idée est de réduire les emballages au strict minimum : fini les portions individuelles, on vend désormais en vrac !
À moins d'avoir de très grosses mains pour pouvoir transporter tous ses produits, il faut donc des contenants. Le siècle dernier a été le siècle du pétrole. Pétrole à partir duquel on a pu synthétiser des plastiques plus ou moins appropriés à une utilisation alimentaire. Ces plastiques ont complètement éclipsés les contenants traditionnels tel que le verre : plus légers, plus résistants aux chocs, moins chers, aussi (voir plus) malléables. Le coût de transport et de stockage ont, de fait, été largement réduits. On pourrait arguer que le plastique est lui aussi recyclable, ce serait encore mieux s'il était réutilisable !
Le carton est l'autre grand gagnant dans la guerre des emballages : léger, peu cher, suffisamment solide pour sa tâche, facilement personnalisable, également recyclable, il peut même provenir de sources renouvelables, mais n'est toujours pas réutilisable !
Cette question des emballages est à la fois importante et universelle. Comme mentionné plus haut, certaines épiceries (bio ou non) vendent désormais en vrac. L'idée est bonne, mais n'est pas applicable à tous les produits. Un des inconvénients de ce système est la perte de fraîcheur du produit (exposé à l'air ambiant), ainsi que l'écrasement de celui-ci s'il se trouve dans des containers trop grands (les pertes sont d'autant plus grandes que le débit est faible), là où l'industrie agroalimentaire nous a habitué aux portions "individuelles".
Une solution naïve consisterait à prendre le meilleur des deux mondes : avoir des portions individuelles dans des emballages réutilisables (en verre ou non). Il faudrait donc revenir à ce fameux système de consigne. Sur le papier, l'idée est belle mais requiert un effort énorme.
En effet, l’essor des transports a permis de réduire virtuellement la distance entre producteurs et consommateurs. au XIXe siècle, il était peu envisageable de se fournir en matières premières alimentaires provenant de l'autre bout de la France. Les durées de transport et les modes de conservations n'étant pas suffisamment au point. On achetait donc des fruits et légumes du coin, le lait et les œufs provenaient de la ferme de Mme Michu... De nos jours, un Marseille-Paris se fait en une journée pour un transporteur. Rien de neuf là dedans me direz-vous. Pourtant, quand on regarde le paquet de biscuit de son supermarché, on ne réalise pas forcément combien il peut y avoir d'acteurs intervenants dans la chaîne. À minima, pour un produit 100% fabriqué en France, on peut trouver :
- Les producteurs de matières premières
- (Éventuellement) des grossistes
- L'usine qui a réalisé le produit
- Les producteurs d'emballages
- Le distributeur (chaîne de magasins) qui possède une ou plusieurs centrales nationales
- Le distributeur local
Le tout en ayant subi divers aller-retour via des transporteurs. La crise agricole qui secoue les médias n'en est que le reflet : le producteur ne vend plus directement au consommateur, mais à une chaîne de transformation/distribution qui se trouve alors en position de force pour négocier les tarifs (et qui peut surtout se fournir à l'étranger). Chaîne qui voit les emballages plastiques et cartons comme une aubaine extraordinaire de réduction des coûts. La charge du recyclage est alors assurée d'une part par le consommateur qui va trier ses déchets (hors emballages intermédiaires), puis par la collectivité locale qui va les récupérer, et enfin par le centre de recyclage. Il n'y a donc (pour l'industriel) aucun coût lié au produit une fois qu'il est sorti de l'usine, mis à part le service après-vente à cause d'une éventuelle erreur de fabrication.
La mise en place d'un système de consigne impliquerait une capacité à minima de tri, de stockage et peut-être de nettoyage (qui doit être fait au plus tôt) de la part du réseau de distribution, de gestion des retours et de nettoyage (stérilisation) de la part de l'industriel. Mécanisme qui a un coût non négligeable et qui nécessite une logistique importante. Le surcoût de la consigne était autrefois assumé par le consommateur. Une hausse généralisée des tarifs serait-elle acceptée ? Difficile de répondre oui quand on voit la guerre incessante des prix que se livrent les grandes chaînes qui compressent les coûts au maximum, quitte à vendre des produits de moins bonne qualité ou en étouffant les fournisseurs...
Autre point exploité par les industriels : l'identité visuelle. L'emballage d'un produit reflète une identité. En plus du marquage légal (composition, propriétés nutritionnelles, service après-vente...), l'industriel appose sa marque, son logo, sa publicité et même la forme de son emballage. il en résulte un moyen fort de communication et de différentiation là où un système de contenant uniforme permettrait de simplifier la consignation (multi sources, multi destinations).
Dernière barrière : la volonté du consommateur. Le monde a évolué. La gestion de l'alimentation (choix des repas, approvisionnement, préparation, vaisselle) demande beaucoup de temps. Autrefois, ce sont les femmes qui en héritaient. La situation a un peu changé avec une certaine répartition des tâches, mais, dans l'ensemble, les femmes restent maîtresses en cuisine, en plus de faire une journée complète de travail hors du domicile ! Donc, le temps lié à l'approvisionnement est une tâche que l'on essaie de réduire au maximum (d'où la popularité croissante des "drives"). La stratégie principalement appliquée par les actifs étant un seul passage au supermarché par semaine pour obtenir un (très) gros chariot. Passage qui se fait lors du peu de temps libre disponible. Dans ce cas, laver, trier et ramener des contenants d'une part, les déplacer durant toute la durée des courses d'autre part, nécessite un certain courage, d'autant plus si ces derniers se retrouvent plus lourds que le couple carton/plastique. La seule solution consisterait à fragmenter les courses en deux ou trois fois par semaine, ce qui est encore plus chronophage.
Bien que coûteux, il ne semblerait donc pas impossible de mettre en place un système de consigne. Néanmoins, cet exemple a un biais : l'usine de production se situe en France. Imposer la consignation à toute l'industrie agroalimentaire exclurait de fait une large partie des produits étrangers, ce qui reviendrait potentiellement à enfreindre la règle de libre circulation des biens et des personnes de l'Union Européenne...
Il existe également un problème technique lié aux produits de première fraîcheur (viande, poisson, produits laitiers, produits préparés...). Ceux-ci nécessitent des emballages dont tout ou partie est à usage unique. Il s'agit, par exemple, des fameux opercules fraîcheur. Il y a donc, dans ce domaine, des procédés et des matériaux à mettre au point pour les rendre recyclables et/ou réutilisables, sachant que les organismes de certifications sont très pointilleux. Si cela ne semble pas (du moins de l'extérieur) intéresser beaucoup d'industriels jusqu'à présent, je pense qu'il s'agit du produit du futur qui fera du détenteur de son brevet quelqu'un de riche. Dans la même veine, on notera que le pire exemple en matière de déchets provient des plats préparés : qualité très moyenne, emballage fraîcheur, sur emballage : tout finit à la poubelle... Il s'agit d'un marché extrêmement juteux exploitant le défaut moderne qui relègue l'alimentation à un plan secondaire par manque de temps et de motivation...
Dans un premier temps, il serait bon d'appliquer un système de consignation à tous les produits liquides alimentaires, avant de l'étendre aux contenants en verre, puis à l'ensemble des produits. Un premier pas dans la suppression des matières plastiques a été fait de part l'interdiction de distribution des sacs plastiques car, en plus d'utiliser des ressources, ils sont souvent source de pollution grave. Ce genre de mesure est de nos jours totalement comprise et acceptée (même si on râle quand on a oublié de prendre le sac des courses). On ne souhaiterait même plus revenir en arrière étant donné que les sacs réutilisables sont bien plus pratiques !
L'écologie de manière générale a un coût et nécessite une volonté et des efforts de chacun. Reste à savoir si l'on continue à exploiter aveuglément toutes nos ressources naturelles jusqu'à ce que mort s'en suive, ou si l'on décide de réagir afin d'infléchir la tendance.