1096
Les conflits armés sont des événements décidément très imprévisibles. Il y a un peu plus de 3 mois, nous passions le cap des 1 000 jours depuis le franchissement de la frontière Ukrainiennes par l'armée Russe. 1 000 jours de combats acharnés, 1 000 jours de courage, 1 000 jours de résilience, 1 000 jours d'innovation, 1 000 jours que Kiev résiste tant bien que mal à un ennemi largement supérieur en homme et matériel.
À la sortie de l'hiver dernier, et après une contre offensive Ukrainienne stérile, les positions étaient relativement figées. L'aide Américaine concernant les livraisons d'obus a été gelée pendant plusieurs mois suite à la discorde entre Républicains et Démocrates. Face à ce constat, le haut commandement Russe a décidé d'augmenter (encore) les moyens. Le nombre de missiles envoyés quotidiennement avoisine désormais les 100 par jour, visant notamment les installations énergétiques, mais aussi les bâtiments civils. Plus encore quand il s'agit de répondre à une attaque de missiles longue portée. Heureusement, grâce au soutient allié, nombre d'entre eux sont interceptés, même si certains traversent les mailles du filet.
Sur le terrain, l'armée de Poutine a adopté de nouvelles stratégies plutôt efficaces puisqu'elle progresse, faiblement, mais quotidiennement, avec un nombre de combats engagés là encore plus important. Ceci, malgré les nombreuses pertes humaines. De l'ordre de 1 000 soldats mis hors de combat par jour selon les chiffres du renseignement Ukrainien. Ainsi, dans le Sud Est, Avdiïvka est tombée. Pokrovsk est quant à elle quasiment encerclée. Stratégie moins coûteuse et plus efficace qu'un assaut frontal. Au Nord Est, la Russie a réalisé une nouvelle percée dans le sud de la région de Belgorod. L'étirement des zones de combats étant plus favorable aux soviétiques grâce à leurs importants moyens humains et matériel. En effet, 3 ans plus tard, elle est toujours capable de recruter des unités pour le combat, et l'industrie de l'armement tourne à plein régimes, par delà les sanctions.
Afin d'éviter la chute de Pokrovsk, l'Ukraine a lancé un mouvement très audacieux en envahissant une partie de la région de Koursk, directement sur le sol Russe. Un jet de dés pour espérer alléger la pression sur le front Sud, mais aussi pouvoir peser dans d'éventuelles négociations. La réponse Russe fut tout aussi intelligente avec la mobilisation de troupes Nord Coréennes (en plus de son soutien matériel). Mouvement tout a fait légitime d'un point de vue du droit international, car il s'agit de protéger son intégrité territoriale. Selon les diverses sources, ce sont donc plus de 10 000 soldats supplémentaires qui sont arrivés. Une aubaine pour le camps de Poutine.
Côté Ukrainien, les succès militaires sont rares. Un certain nombre d'avions de chasse sont opérationnels depuis l'été dernier, mais ne sont utilisés que pour des tâches défensives telle que l'interception de missiles. Par contre, l'industrie s'est grandement spécialisée dans la conception de drones à courte et longue portée. Ce qui permet d'endommager régulièrement les installations pétrolières et gazières très profondément dans le territoire ennemi. La guerre de drones est une nouveauté à laquelle peu d'armées étaient préparées. Les innovations y ont été rapides, peut-être autant que pour les missiles hyper sonique. Ces nouvelles armes sont redoutables, avec une précision inégalée quand elles sont directement pilotées par caméra. Notamment contre les chars qui ne sont pas forcément complètement blindés sur la partie supérieure. Idem pour les drones maritimes, véritable terreurs de la mer Noire, obligeant la flotte ennemie à se retirer en mer d'Azov. La marine Russe a ainsi développé des drones anti drones ! Comble de cette bataille technologique, nombre de militaires Ukrainiens formés à l'étranger se sont plaints de ne pas avoir reçu de formation spécifique pour ces nouveaux types de combats.
Fin janvier, Donald Trump est entré en fonction. Le 47e président des États-Unis est encore plus imprévisible que lors de son premier mandat. Il souffle le chaud et le froid, alternant entre soutien à l'Ukraine et négociations forcées. L'aide destinée aux pays étrangers ayant été suspendue dès sont entré en fonction, c'est désormais les métaux rares du sous-sol Ukrainien qui l'intéresse (parce qu'il adore les forages). Pourtant, les États-Unis semblent de moins en moins capables de peser dans l'issue du conflit. Trump veut juste stopper les dépenses liées à cette guerre, sans avoir d'intérêt réel quant au sort de l'Ukraine. Ce qui oblige l'Europe à faire plus et mieux, alors qu'elle est en proie aux difficultés et divisions.
Le soutien de l'opinion publique internationale s'étiole lui aussi de jours en jours. De plus en plus d'Ukrainiens sont eux-mêmes disposés à abandonner une partie de leurs territoires perdus contre la fin du conflit. Le président Zelensky n'est plus soutenu que par 57% de ses concitoyens, alors que la loi martiale court toujours et que des élections auraient normalement dû être organisées. Côté Russe, la population souffre en silence, car sous une croissance en trompe l'œil (4,1% selon les chiffres du Kremlin) principalement tirée par l'industrie militaire, la réalité du quotidien est beaucoup plus difficile avec une inflation de 9,5% en 2024. Ce problème économique pousse nombre d'entre eux dans les rangs de l'armée, qui offre de bons salaires et de bonnes primes en cas de pépin.
Dans ce tableau plutôt noir, on peut pourtant lire l'incroyable résilience d'un peuple agressé depuis maintenant 3 ans et qui vit proche des zones de combat, voir même pour certains carrément dedans. Peuple toujours debout malgré les alertes quotidiennes, les destructions, les pénuries et les mauvaises nouvelles quotidiennes.
Le bras de fer continue donc, avec des répercutions de plus en plus dramatiques sur le long terme, d'un côté comme de l'autre. Il faut continuer à espérer une sortie rapide et favorable, même si elle semble peu probable sans un soutien majeur extérieur.