Partie 1
L'introduction d'éléments électroniques dans les boîtiers photographiques a vraiment révolutionné le genre. Notamment l'auto focus (pour prendre des photos avec les bons paramètres) et l'enregistrement sur une mémoire flash (afin d'avoir plusieurs clichés et de ne sélectionner que les bons), mais aussi le viseur et l'écran pour avoir un retour immédiat. Depuis plus de 20 ans et l'apparition des premiers reflex, le matériel n'a cessé de se perfectionner, de se miniaturiser, devenant ainsi accessible pour un très large public. On peut désormais obtenir de très bon résultats avec la plupart des appareils, sans n'avoir aucune connaissances des techniques de photographie. Et que dire des multiples modules photos embarqués dans les smartphones photophones, devenus un critère majeur de sélection (à défaut de vraie révolution dans les télécoms) ?
Que de chemin parcouru donc depuis les prémisses technologiques du XIXe siècle, dont celles du Grassois Charles Nègres et de son procédé de gravure héliographique avec passage dans un bain d'or. La toute nouvelle médiathèque nichée au cœur du centre ville de Grasse, non loin de sa maison natale, porte d'ailleurs son nom. Il existe également un musée de la photographie "Charles Nègre" sur le cours Saleya à Nice.
Cette révolution nous amène à nous questionner sur notre rapport à l'image. En tant que consommateur d'abord. Dans notre société majoritairement tertiaire et citadine, nous sommes constamment assaillit d'images. Notre environnement n'est qu'une suite de pictogrammes que nous décodons à longueur de journée. La démocratisation des écrans, notamment des smartphones, couplée à un accès "illimité" à internet pousse à la recherche constante de nouveauté, au traitement de grandes quantités de données (du texte, de l'image et des vidéos), ce qui a pour effet pervers de diminuer fortement notre capacité de concentration sur un temps moyen/long. C'est encore plus catastrophique pour les jeunes génération dont le cerveau est encore en formation. L'attrait pour les formats courts (style "shorts" ou Twitter) n'en est que la triste démonstration. Chaque contenu étant l'équivalent d'une dose de sucre cérébrale, que le cerveau réclame en permanence. L'effet hypnotique est encore plus fort avec le défilement continu qui s'est généralisés sur la plupart des plateformes. Le comble étant les notifications en temps réel. Elles nous préviennent de quelque chose de nouveau, et on ne résiste pas à l'idée d'aller voir, même si l'on est déjà sur une autre tâche.
En tant que producteur également : aujourd'hui, tout le monde est capable de capturer des images. Je dirais même que les gens ont l'habitude de tout capturer, tout le temps ! Cela est induit par la facilité à capturer, l'envie de partager en direct les moments de sa vie et le coût nul que cela représente. Ce coût est en réalité masqué par les start-up de la tech qui lèvent des milliards pour financer des serveurs hébergeant nos données dans l'espoir de se faire racheter à prix d'or grâce à leur base d'utilisateurs, ou de vendre directement de la publicité/des profils publicitaires, ainsi que les télécoms qui investissent massivement dans les infrastructures. On assiste ainsi à une avalanche de contenus, pour la plupart inutiles, générant énormément de pollution invisible. D'autant plus que dans cette mode, il n'y a hélas plus de notion de recherche d'esthétique ou du fait de capturer des moments importants, il s'agit simplement une facilité dont on abuse. D'un autre côté, nous avons une tendance naturelle à ne montrer que les beaux clichés. Le risque psychologique afférent est de ne mettre en lumière que les bons côtés de notre vie, sans voir ce qui est "hors cadre", et ainsi attise la jalousie et l'impression que tout est parfait chez les autres.
Notre rapport à l'image fortement évolué avec le numérique : on ne peut plus faire confiance à une image comme étant authentique. Les logiciels de post traitement sont extrêmement puissants et peuvent complètement transformer ce que l'on voit (d'où l'utilité d'avoir énormément de pixels). Les filtres sont, malheureusement, devenus une étape obligatoire avant la publication. Même au niveau de la technologie de capture : il est biaisé de parler de photographie quand on utilise un smartphone à multiples capteurs. Il faudrait plutôt parler d'image recomposée, augmentée de filtres numériques qui donnent un résultat que l'utilisateur est censé attendre. Il n'y a au final que peu de matière optique dans toute cette chaîne. D'autant plus que la qualité s'effondre rapidement quand les conditions d'éclairage se dégradent.
Le média sur lequel l'on consomme de l'image joue énormément sur son appréciation. La plupart du temps, il s'agit d'écrans relativement petits. Écrans qui ont ce côté pratique de masquer les défauts. Malheureusement, on passe souvent à côté de plein de détails : les petits objets, les dégradés, les fondus sont balayés sans que notre cerveau ne s'y arrête. Cet effet est renforcé en fonction de la qualité dudit écran et des conditions de luminosité extérieures. Le résultat des smartphone est souvent trompeur pour ces raisons. Il suffit de zoomer ou de passer sur grand écran pour s'en apercevoir. Le papier (même glacé) offre une plus large surface, rendant le visionnage plus agréable, mais il n'a pas forcément un rendu fidèle des couleurs. En réalité, rien ne vaut un tirage grand format sur du papier photo avec un bon éclairage et suffisamment de recul pour admirer le cliché. Mais c'est le genre d'œuvre que l'on ne peut admirer que dans des expositions photographiques dédiées vu con coût unitaire et la place nécessaire pour le mettre en œuvre.
Petit exemple avec ce cliché datant de décembre 2022. Si on passe outre le fait que ce jeune homme est particulièrement séduisant (merci le N&B de gommer les petits défauts) et que l'on analyse cette photo en détail, on se rend compte de multiples aberrations.
Le contexte d'abord : la photo a été prise en intérieur, en milieu d'une après-midi ensoleillée, avec une fenêtre dans le dos (orientée Est). La luminosité, sans être catastrophique, était correcte. L'appareil utilisé est le Oppo A54 5G, un appareil milieu de gamme sorti mi-2021. Le module photo est composé de 4 capteurs dont le principal de 48M pixels, un grand angle, un macro et un capteur de proximité. À titre de comparaison, le capteur de mon X-T3 ne fait "que" 26M pixels. Première surprise quand on regarde les informations de la photo : elle ne fait que 12M de pixels. C'est parce-que, dans ces conditions, l'appareil est passé en mode pixel binning où il va fusionner 4 pixels adjacents en 1 seul. La forte compression JPEG joue également, car le fichier ne fait que 2MB, soit cinq fois moins que sur mon appareil, ce qui dégrade le fichier en qualité "moyenne".
Pourtant, c'est une photo très réussie quand on la regarde rapidement sur le téléphone. Mais, si l'on zoom, on s'aperçoit que le flou est totalement artificiel. Sur la zone des cheveux par exemple, le détourage est carrément raté. Au niveau de l'épaule, on observe qu'il s'agit d'un flou d'une piètre qualité et absolument pas progressif. Au niveau du col, on peut noter la coupure entre partie nette et floue, alors que le cou est totalement net. Finalement, sur le pull (blanc écru), on distingue trois zones coupées "à la hache" : la partie gauche avec un flou fort, la partie en haut à droite nette et la partie en bas à droite avec un flou moyen.
Conclusion, il faut aller au delà du pipeautage marketing sur le nombre de pixels, car ce qui est le plus important en optique est le couple taille et qualité, des lentilles et du capteur. Les petits objectifs de nos téléphones avec des capteurs miniatures trouveront rapidement leur limite malgré les évolutions technologiques.
Dans un contexte plus traditionnel, il existe de nombreuses façons de pratiquer la photographie. Il n'y en a pas forcément une meilleure que l'autre, tout dépend de ce que l'on souhaite obtenir. De plus, il est possible de passer de l'une à l'autre selon les opportunités. Dans la plupart des cas, on cherche soit à obtenir une image totalement nette (reportage journalistique, reportage animalier, magazines, paysage) ou bien avoir un sujet qui se détache du fond avec un effet bokeh plus ou moins poussé (portrait). On règle dans ce cas le boîtier en mode tout auto et on attend de lui un autofocus rapide. La qualité du matériel est le critère le plus important.
On peut également se placer dans un contexte plus artistique. Mettre en scène un modèle, travailler le décor, la tenue, jouer avec la lumière, le cadre, le point de vue, la colorimétrie. C'est quelque chose de très intéressant et qui ne nécessite pas de matériel de dernière génération, mais plutôt l'œil artistique, et surtout de pouvoir intervenir sur les tous paramètres de son appareil : focale, ouverture, temps de pose...
Après la réception de mon fuji, j'ai eu l'occasion de m'exercer via une longue série de photos sur le thème "Couleurs & lumière", ce qui m'a permit de tester beaucoup de paramètres de mon boîtier et de comprendre comment chacun influe sur le résultat. C'est une expérience à la fois enrichissante et amusante. Personnellement, j'aime beaucoup jouer avec la lumière naturelle et mettre en valeur un modèle.
Par exemple, sur ce cliché, le point est fait sur le modèle, mais j'ai réduit l'ouverture jusqu'à ce que le sujet soit totalement sombre et obtenir ainsi un effet de contre-jour où se dégage une silhouette avec de jolis dégradés (sur l'épaule, les mains, le lit). Ce rendu, sans aucun traitement, est impossible à obtenir en mode automatique.
Un deuxième exemple tiré de la série "Chats en N&B", cette fois tout en automatique et avec le fujinon xf35. J'ai profité d'une lumière de fin d'après-midi d'hiver un peu froide. La transformation en N&B est appliquée directement par le boîtier. On appréciera l'écorce de l'olivier et la sérénité du chat. Au passage, photographier des animaux est une vraie galère, ils ont une fâcheuse tendance à se barrer (quand ils n'ont pas peur de l'objectif)...
On peut également admirer le cliché (toujours avec le xf35) prit au même endroit avec une lumière matinale. Pour le coup, j'ai dû baisser la luminosité avec Gimp.